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> « Hartung Study » : Vivre en soi pendant sept jours. Exploration phénoménologique et psychanalytique d’une performance d’Abraham Poincheval associée à une œuvre de Hans Hartung
Thomas Rabeyron, Alexandre Batissou, Sylvie Royant-Parola, Thomas Schlesser et Yves Sarfati publient dans L’Evolution Psychiatrique une étude sur une exploration phénoménologique et psychanalytique d’une performance d’Abraham Poincheval associée à une œuvre de Hans Hartung.
Cet article décrit la mise en place et l’analyse psychologique d’une performance de l’artiste Abraham Poincheval dans le cadre d’une collaboration avec la fondation Hartung-Bergman. Au-delà de la dimension esthétique de l’œuvre, l’objectif de ce travail fut d’étudier les effets physiologiques et psychologiques induits par le fait de rester assis dans un espace clos sur une longue période.
Abraham Poincheval est resté durant une semaine dans une sculpture moulée à ses dimensions et dont un cône situé au niveau des yeux lui permettait de voir un tableau de Hans Hartung. Des mesures physiologiques (EEG, température), des enregistrements audio et des entretiens microphénoménologiques ont permis d’étudier les effets de cette performance. Une analyse psychanalytique a également été menée afin de mieux comprendre le processus créateur et les processus psychiques à l’œuvre dans cette performance.
L’analyse phénoménologique met en évidence l’étonnante malléabilité du psychisme qui parvient à s’accommoder d’une situation très inconfortable qui conduit cependant à des états dissociatifs. La perception de l’espace, du temps et du corps se trouve transformée, de même que la perception de l’œuvre qui donne lieu à des phénomènes de paréidolie, des processus hallucinatoires et des hallucinations négatives. De manière générale, l’effondrement de la durée du sommeil paradoxal semble associé à des états oniroïdes qui favorisent les processus hallucinatoires et des vécus entre rêve et sommeil.
La sculpture pourrait représenter la mise en scène d’un « Moi-carapace » en réaction à des enveloppes psychiques fragiles du registre des premiers contenants de pensée. La sculpture peut aussi être pensée comme un cocon menant à des états psychiques favorisant différentes formes d’explorations et de transformations de l’expérience subjective. Cette performance peut également être considérée comme l’expression d’éléments psychiques non symbolisés, ce qui souligne davantage la dimension contraignante de certaines composantes de l’œuvre. La clinique du trauma est finalement abordée en miroir de l’œuvre de Hartung en écho de ce que ce dernier a pu vivre durant la Seconde Guerre mondiale.
Le fait de rester assis, dans un espace confiné, engendre des transformations importantes de la perception de l’espace, du temps et du corps. Cela conduit également à des états oniroïdes qui favorisent les phénomènes de paréidolie et les processus hallucinatoires. Pour autant, le psychisme semble en mesure de s’accommoder de ces conditions extrêmes, ce qui souligne ses étonnantes capacités d’adaptation.
Mots-clés
Symbolisation, Trauma, Neurophénoménologie, Etat non ordinaire de conscience, Expérience exceptionnelle, Performance artistique
This article describes the setting up and the psychological analysis of a performance by the artist Abraham Poincheval in the framework of a collaboration with the Hartung-Bergman Foundation. Beyond the aesthetic dimension of the piece, the aim of this work was to study the physiological and psychological effects induced by sitting in an enclosed space over a long period of time.
Abraham Poincheval remained for a week in a sculpture molded to his dimensions, with a cone located at eye level that allowed him to see a painting by Hans Hartung. Physiological measurements (EEG, temperature), audio recordings, and microphenomenological interviews were used to study the effects of this performance. A psychoanalytical analysis was also carried out in order to better understand the creative process and the psychic processes at work in this performance.
The phenomenological analysis highlights the astonishing malleability of the psyche, which manages to cope with a very uncomfortable situation that nevertheless leads to dissociative states. The perception of space, time, and the body is transformed, as well as the perception of the work, which leads to phenomena of pareidolia, hallucinatory processes, and negative hallucinations. In a general way, the collapse of the duration of the paradoxical sleep seems to be associated with oniroid states that support the hallucinatory processes and experiences between dreaming and sleeping.
The sculpture could represent the setting up of a “Self-shell” in reaction to fragile psychic envelopes of the register of the first containers of thought. The sculpture can also be thought of as a cocoon that can induce psychic states that promote different forms of explorations and transformations of the subjective experience. This performance can also be considered an expression of unsymbolized psychic elements, which further emphasizes the constraining dimension of certain components of the work. The trauma clinic is finally approached in mirror of Hartung’s work in echo of what the latter may have experienced during the Second World War.
The fact of remaining seated, in a confined space, generates important transformations of the perception of space, time, and the body. This also leads to oniroid states that encourage the phenomena of pareidolia and hallucinatory processes. For all that, the psyche seems to be able to adapt to these extreme conditions, which demonstrates its astonishing capacities of adaptation.
Key-words
Symbolization, Trauma, Neurophenomenology, Non-ordinary state of consciousness, Exceptional experiences, Artistic performance