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> Expériences exceptionnelles nécrophaniques et deuil paradoxal : études de la phénoménologie et des répercussions des vécus effrayants de contact avec les défunts
Renaud Evrard, Marianne Dollander, Evelyn Elsaesser, Callum Cooper, David Lorimer et Chris Roe publient dans L’évolution psychiatrique, une étude sur la phénoménologie et les répercussions des vécus effrayants de contact avec les défunts.
Introduction
Les expériences exceptionnelles de contact avec les défunts font l’objet d’un regain d’intérêt dans le cadre de la clinique du deuil. Plusieurs travaux sont venus montrer les aspects positifs de tels vécus, tout en posant certaines questions quant aux liens complexes entre ceux-ci et la psychopathologie. Le modèle de la rupture, renforcé par l’apport freudien, promeut l’acceptation de la perte ; tandis que le modèle des liens continus favorise un maintien des identifications et des relations avec les défunts. Ce dernier modèle s’appuie sur les investigations récentes de ces vécus « nécrophaniques » dont la prévalence est de 47 à 82 % chez les endeuillés.
Méthode
Nous analysons 108 témoignages (anglais et français) sur un ensemble de 1004 questionnaires complétés en ligne. Ils correspondent à un sous-ensemble de l’échantillon de répondants qui ont qualifié d’effrayantes ou de négatives leur expérience de contact avec les défunts. Notre analyse mixte des questions fermées et ouvertes permet d’éclairer le contenu des messages, les angoisses associées à ces vécus, les manières dont les sujets ont partagé ces expériences et leurs répercussions.
Résultats
Nous procédons à un découpage phénoménologique pour requalifier 20 cas de vécus de rencontres avec des entités non identifiées, généralement associés à des paralysies du sommeil ; et 6 cas lacunaires qui sont non-catégorisables. Les contenus des messages sont majoritairement positifs. Les angoisses sont plutôt ambivalentes et transitoires. Le partage des expériences se fait aisément avec des proches, mais est difficilement adressé à des professionnels de santé. Il y a une perception rétrospective d’une religiosité pratiquement inchangée et d’une spiritualité significativement augmentée, s’accompagnant d’effets spécifiques globalement favorables au processus de deuil.
Discussion
Ces données sur des expériences spontanées dites effrayantes suggèrent plutôt que ces vécus peuvent constituer des catalyseurs d’un deuil non pathologique. En contradiction avec le modèle de la rupture, ces résultats renforcent le modèle des liens continués en suggérant un deuil paradoxal : le deuil est accompli au prix de maintenir toujours ouverte et vivante la relation avec le défunt. Des indications guidant la prise en charge de tels vécus sont exposées et discutées.
Conclusion
Les expériences nécrophaniques sont fréquentes et puissantes. Des enquêtes longitudinales semblent nécessaires pour évaluer leurs effets à long terme.
Mots-clés
Expérience exceptionnelle, Hallucination, Deuil, Deuil compliqué, Questionnaire
Introduction
Exceptional experiences of contact with the deceased are the subject of renewed interest for clinicians specialized in bereavement. Several works have highlighted the positive aspects of such experiences, while asking certain questions about their complex links with psychopathology. The rupture model, reinforced by the Freudian theory, promotes the acceptance of loss; while the model of continued bonds promotes the maintenance of identifications and relationships with the deceased. The latter model is based on recent investigations of these “necrophanic” experiences, the prevalence of which is 47 to 82% among the bereaved.
Method
We analyze 108 testimonies (English and French) from a set of 1004 questionnaires completed online. They correspond to a subset of the sample of respondents who described their experience of contact with the deceased as frightening or negative. Our mixed analysis of closed and open questions sheds light on the content of the messages, the anxieties associated with these experiences, the ways in which the subjects shared these experiences, and their aftereffects.
Results
We used a phenomenological framework to recharacterize 20 cases of lived encounters with unidentified entities, generally associated with sleep paralysis; and six incomplete cases which cannot be categorized. The contents of the messages are mostly positive. The anxieties are rather ambivalent and transitory. Subjects found it easy to share their experiences with relatives, but not with clinicians. There is a retrospective perception of an almost unchanged religiosity and a significantly increased spirituality, with specific effects generally favorable to the grieving process.
Discussion
These data on so-called frightening spontaneous experiences suggest that these experiences may be catalysts for non-pathological grief. In contradiction with the rupture model, these results reinforce the model of continued bonds by suggesting paradoxical mourning: grief is accomplished by keeping the relationship with the deceased open and alive. Clinical guidelines of such experiences are presented and discussed.
Conclusion
Necrophanic experiences are frequent and powerful. Longitudinal investigations seem necessary to evaluate their long-term effects.
Mots-clés
Exceptional experience, Hallucination, Grief, Complicated grief, Survey