Accueil > Recherche > Communications > Le garde-frontière de la psychologie - Henri Piéron et la métapsychie
Renaud Evrard intervient le jeudi 27 novembre dans un Colloque international en hommage à Henri Piéron (1881-1964) à l’occasion du cinquantenaire de sa disparition, intitulé "La contribution d’Henri Piéron à l’édification de la psychologie scientifique et de l’orientation professionnelle". Sa communication aborde des aspects peu connus de ses travaux : son rapport à la métapsychique.
La métapsychie ou métapsychique est la version française de ce qui est couramment appelée aujourd’hui la parapsychologie. Le terme a été proposé en 1905 par le physiologiste Charles Richet pour désigner : « La science qui a pour objet des phénomènes, mécaniques ou psychologiques, dus à des forces qui semblent intelligentes ou à des puissances inconnues latentes dans l’intelligence humaine ». Comme l’a montré l’historienne Régine Plas (2000), ces phénomènes dits « psychiques » font partie des premiers objets de la psychologie. A l’instar de nombre de ses collègues, Piéron effectue au début de sa carrière des recherches sur les « phénomènes télépathiques », en l’occurrence des expériences de communications à distance avec Nicolas Vaschide, expliquées par un « parallélisme intellectuel » (Vaschide & Piéron, 1902 ; Le Maléfan, 2008). Il tiendra à partir de 1905 une rubrique « Métapsychie » dans L’Année psychologique, exerçant son esprit critique pour repousser – et parfois pour encourager – ces recherches. En toile de fond de cette rubrique se pose la question de la place de la métapsychie dans le champ de la psychologie, que Piéron contribue alors à institutionnaliser et professionnaliser. L’écart qui se creuse implique, de la part des psychologues, de bien délimiter la frontière entre les deux, rôle qu’occupera particulièrement Piéron. En 1922, il participera ainsi à des commissions analysant, dans son laboratoire de la Sorbonne, les phénomènes physiques produits par des médiums (Lapicque, Dumas, Piéron, Laugier, 1922 ; Parot, 1994). Piéron fait preuve d’ouverture face à ce qui se présente comme de nouveaux exemples d’objectivation physiologique de l’activité psychique, mais il ne constatera rien de probant et suspectera des fraudes. Ses interventions ont participé à l’émancipation/évacuation de la métapsychique, ce qui profita en retour à la reconnaissance accrue de la scientificité de la psychologie.
The metapsychy or metapsychics is the French version of what we now called parapsychology. This term was coined in 1905 by the physiologist Charles Richet to refer to “the science of mechanical or psychological phenomena that are due to apparently intelligent forces or unknown powers latent in human intelligence”. As shown historian Régine Plas (2000), these so-called “psychic” phenomena are among the first objects of psychology. Like many of his colleagues, Piéron has done, at the start of his career, some research on “telepathic phenomena”, namely some experiments on remote communications with Nicolas Vaschide, explained by an “intellectual parallelism” (Vaschide & Piéron, 1902 ; Le Maléfan, 2008). From 1905, he held a section entitled “Métapsychie” in L’Année psychologique, exercising his critical skills to repel – and sometimes encourage – this field of research. In the background of this section is the issue of the place of the metapsychy within the field of psychology that Piéron contributed to institutionalize and professionalize. The growing gap implies, from psychologists, a clear demarcation of the boundary between the two, a role that Piéron will particularly help. In 1922, he participated to a committee for the study, in his Sorbonne’s laboratory, of the physical phenomena produced by mediums (Lapicque, Dumas, Piéron, Laugier, 1922 ; Parot, 1994). Piéron showed openness to what is presented as new examples of physiological objectification of psychic activity, but he saw nothing convincing and suspected frauds. His interventions participated to the emancipation/evacuation of metapsychics, what advantage back to increasing recognition of psychology as a science.
Mots-clefs : Métapsychie – Année psychologique – Institutionnalisation – Frontières de la psychologie – Charles Richet
Key-words : Metapsychics – Année psychologique – Institutionalization – Frontiers of psychology – Charles Richet
Lapicque, L., Dumas, G., Piéron, H., Laugier, H. (1922). Rapport sur des expériences de contrôle relatives aux phénomènes ectoplasmiques. L’Année Psychologique, 604-611.
Le Maléfan, P. (2008). Les hallucinations télépathiques dans la psychologie française naissante : étude d’un inconscient oublié. Bulletin de Psychologie, n°495, 279-293.
Parot, F. (1994). Le bannissement des Esprits. Naissance d’une frontière institutionnelle entre spiritisme et psychologie. Revue de synthèse, 3-4, 416-443.
Plas, R. (2000). Naissance d’une science humaine : la psychologie. Les psychologues et le merveilleux psychique. Rennes : PUR.
Vaschide, N., Piéron, H. (1902). Contribution expérimentale à l’étude des phénomènes télépathiques. Bulletin de l’Institut général Psychologique, 3, 116-139.
Communication en français.